Bien-être animal

un souvenir qui guide mes gestes

"Tu es responsable de ce que tu as apprivoisé."

Antoine de Sainte-Exupéry, Le Petit Prince

Je suis très souvent surprise d'entendre nos visiteurs demander si cela ne nous dérange pas d'être si proches des animaux que nous élevons pour la viande. "Vous n'avez pas de mal après pour les emmener à l'abattoir?" Et c'est la même chose quand ils voient les "trop mignonnes petites bouilles" de nos agneaux. "Oh! Ils sont trop beaux, moi je ne pourrais pas les faire tuer"

Il ne faudrait alors jamais les regarder dans les yeux et puis si des fois mon coeur d'humain succombait malgré tout au charme du "trop mignon" je devrais peut-etre apprendre à les détester ? Nous n'avons pas de problème à être proches de nos animaux quelque soit la raison de leur présence parmi nous.

La ferme est née en grande partie d'une passion pour les animaux et l'élevage. Dans nos engagements, le bien être de nos animaux fait parti de nos priorités. Nous essayons de mêler au plus juste les règles du métier avec le respect de leur nature, à la paix de chaque groupe et aux relations que nous établissons avec eux. Je sais que, émotionnellement, le plus difficile à vivre dans mon métier c'est de voir monter les agneaux dans la remorque et les regarder s'en aller pour l'abattoir. Etrangement, je ne voudrais surtout jamais perdre cette émotion qui vient me serrer le ventre quand je croise leur regard pour la dernière fois. C'est exactement cette secousse là que je veux garder pour que dans chaque journée, son souvenir guide mes gestes parce que oui, c'est vrai que parfois la fatigue ou l'énervement s'invitent lors d'une séance de tonte ou de tri. C'est vrai que parfois je les "étriperais" bien parce que la journée est pourrie, parce que le temps me manque souvent, parce que la routine me rend parfois aveugle et me fait oublier la beauté de mon métier. Dans ces moments je préfère alors sortir. Je dis souvent qu'ils n'ont rien demandé eux et que si je les élève pour leur viande, je leur dois au moins toute ma consideration, une vie saine et paisible parmi nous. Des faux pas j'en ai fait cette année et j'en ferai encore. Etre éleveur, c'est un métier qui s'acquiert avec l'expérience, le bon sens et l'observation. Dans la poche, je n'ai que la théorie apprise dans les livres et sur les bancs du lycée lors de ma formation. Le reste, je ne l'ai pas. Je veux bien apprendre de mes erreurs, même si parfois c'est très difficile à digérer mais je n'accepterai jamais que ca soit par un manque de soin ou d'attention de notre part.